Journée d'étude sur la loi de 2005.

Publié le par Sifoell

Bonjour à tous,

Je ne suis vraiment pas très présente sur le net ces temps-ci, sûrement moins le temps et peut-être moins l'envie et le besoin. Je suis plus dans la vie de tous les jours que sur les écrans... Mais bon...
Je voulais partager avec vous le compte-rendu d'une journée d'étude sur la loi de 2005, à laquelle j'ai pu assister, et qui accueillait Marcel Nuss.
Je laisse donc place au compte-rendu :





Journée d’étude “Loi 2005 et pratiques éducatives.”


La loi de 2005 se présente sous trois grands axes :
-    la scolarisation (et non l’intégration) de tous les élèves à l’école. Cela ouvre un nouveau travail aux éducateurs (loi 1909 : séparation enfants valides / enfants handicapés)
-    la possibilité du choix des prestataires ouvre à une marchandisation du secteur social et ouvre surtout à la concurrence.
-    C’est la loi des bonnes intentions, mais souvent la réalité est différente. On a pu le voir récemment avec le financement des transports qui se fait désormais sous la forme d’un forfait, décidé par les MDPH – et non plus un remboursement Sécurité Social. Le reste à charge pour les familles, ou les personnes handicapées reste très important, le financement ne couvrant que les premiers kilomètres.



Intervention de Jean-François Dietrich, directeur d’un Institut d’Education Motrice, accueillant des enfants avec des troubles moteurs, avec ou sans troubles associés, et des enfants polyhandicapés.
Présentation de la loi, des dispositifs et de la mise en oeuvre.
Chronologiquement, il y a eu trois grandes notions politiques du handicap :
-    la réparation (après la guerre de 1914)
-    la réadaptation (apparue dans les années 60, avec pour vut de rejoindre l’ordinaire)
-    la compensation de la situation de handicap : pour exercer ses droits de citoyen, la personne en situation de handicap à droit à la compensation de son handicap. Cela relève d’une action autant sur la personne que sur son environnement.

Des représentants des personnes handicapées se retrouvent dans diverses instances (associations, communes, commissions). On retrouve également cette notion de citoyenneté avec l’apport du projet de vie, auquel la personne en situation de handicap participe.
Mais la personne peut-elle elle-même définir ses propres besoins ? On y retrouve une notion d’expertise de la personne sur ses propres besoins, et cela questionne la place des professionnels.

Plan de la loi de 2005 :
Titre 1 : Dispositions générales (notamment la définition du handicap)
Titre 2 : Prévention, recherche, soins (observatoires, formation des professionnels)
Titre 3 : Compensation et ressources (personnes handicapées en dessous du seuil de pauvreté)
Titre 4 : Accessibilité
Titre 5 : Accueil, information, évaluation, reconnaissance.
Titre 6 : Citoyenneté.

Ce qui est nouveau dans la définition du handicap, c’est la prise en compte de la difficulté psychique. Le handicap est une difficulté que rencontre la personne dans l’interaction avec son environnement.
La loi offre la possiblité pour la personne handicapée de choisir ses aidants, sachant que parfois des gestes médicaux sont à accomplir (aspiration, aider à la prise de médicaments). Il faut donc interroger la façon de répondre aux soins, par du personnel médical ou un personnel non médical ?

La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap, quelque soit l’origine et la nature de sa déficience, son âge, son mode de vie. A terme, cela vise la prise en compte des personnes âgées, et de la dépendance. Sachant qu’une harmonisation des réponses à ces besoins sera bien entendu difficile, sachant que la compensation d’une dépendance à l’âge de 25 ans est bien différente de celle d’une personne de 95 ans.

On relève quatre types de compensation : les aides humaines, les aides techniques, l’aménagement du véhicule et du logement, et enfin les aides exceptionnelles (comprenant les aides animalières). Ces aides sont forfaitaires et dépendent soit des prestations soit des fonds de compensation. Ces réponses, forfaitaires, demandent un temps d’étude de plus en plus long, et une intrusion de plus en plus importante dans la vie (notamment avec le projet de vie).
Les moyens mis en place pour appliquer la loi, qu’ils soient en terme de personnels ou en terme financiers sont largement insuffisants, sachant que chaque personne a des besoins qui lui sont particuliers et qui nécessitent des réponses adaptées.

Les aides pour accéder au travail, et surtout au travail dans le milieu ordinaire sont maintenant une aide au poste et non à l’entreprise.

Concernant la scolarisation, tout enfant a le droit d’être inscrit dans l’école de son quartier. Mais quels sont les moyens mis en oeuvre pour leur permettre d’être scolarisés ? Quels sont les statuts, la formation, des auxiliaires de vie scolaire, individuels ou collectifs ? Qu’en est-ils des classes internes à l’établissement spécialisé ? Les établissement s’ouvrent de plus en plus sur l’extérieur.

Concernant l’accessiblité du bâtis, la loi oblige les communes de plus de 5000 habitants à avoir une commission de l’accessibilité.

Concernant le traitement en lui-même du dossier, il est très disparate sur le territoire, en fonction des différentes MDPH.


Regard critique sur la loi de 2005. Marcel Nuss.

C’est la loi des bonnes intentions. Une évolution, mais non une révolution. Il reste une part très médicalisée dans la définition du handicap.
La DGAS (direction générale des affaires sociales) a réalisé un forfait horaire par acte. Trois quarts d’heure pour se laver, quinze minutes pour se déplacer… Les normes d’accessibilité tendent à standardiser cette norme. Une douche à l’italienne est préconisée. Mais certaines personnes ont besoin d’une baignoire pour se laver.

Il y a également un gros problème de sémantique dans cette loi. Elle parle de l’égalisation des droits et des chances. Je lui aurais préféré équité, ou égalité. On parle aussi de droit à l’autonomie ou de droit à l’indépendance ? Le terme de projet de vie serait également à changer en terme de besoins ou de souhaits.

Souvenez-vous du plan grande dépendance. Grande dépendance ou “personnes nécessitant un accompagnement constant ou quasi constant” ? Quelle est la différence entre la personne en situation de handicap et la personne handicapée ? La loi joue sur les mots pour essayer de faire évoluer les mentalités. Je préfère la notion mauricienne de personne autrement capable, qui insiste plus sur les capacités de la personne handicapée, que sur ses incapacités, comme peuvent le faire les définitions européennes. Le regard sur la personne n’est pas le même.
Les mauvais mots stigmatisent, les mots justes humanisent.

La scolarisation, l’accompagnement des enfants sont un vrai combat. Avant, c’était le système D : les instituteurs et les copains portaient le fauteuil. Ce système D faisait naître une complicité naturelle avec les copains. Aujourd’hui, par contre, les jeunes sont disséqués : ils ont un accompagnateur le matin pour le lever, un autre à l’école en journée, un autre le soir à domicile en plus de la famille. Les enfants ont besoin de stabilité affective. Il faut viser la polyvalence de l’accompagnateur.

Concernant le travail, plus les personnes handicapées travaillent, moins elles gagnent. La prestation de compensation du handicap a fait naître une réelle autonomie physique. Par contre, les ressources – l’allocation de compensation du handicap – maintiennent les personnes handicapées dans l’assistanat.

La délégation des gestes de soin, appelée aussi amendement Nuss : personne n’est là pour qu’elle soit appliquée.

Ce que la loi induit pour les travailleurs sociaux :

La compensation par rapport aux aides techniques est une vraie régression par rapport à la loi de 1975. Par contre, sous condition de passer par une évaluation correcte, il y a une vraie avancée sur le plan des aides humaines.
Les équipes d’évaluation ne sont pas conformes à ce qu’attendait le législateur : elles ne sont pas polyvalentes, ni pluridisciplinaires. Le côté médical est encore une fois mis en avant. Il n’y a pas de personnes handicapées dans les études d’évaluation.

Marcel Nuss emploie quatre personnes à temps plein, pour un accompagnement jour et nuit, de 32 heures par jour.

La prestation de compensation du handicap est la continuation des forfaits grande dépendance, mis en place par Ségolène Royal. Elle induit que les travailleurs sociaux ne pourront plus accompagner les personnes handicapées comme avant. Leur autonomie entraîne un changement de comportement et de positionnement. Avant 2005, on était dans une culture de l’assistanat (la culture de la rééducation). Les professionnels étaient basés sur leur savoir-faire, on pensait pour la personne, on travaillait pour le bien des personnes, en leur apportant juste le minimum vital. La loi de 2005 ouvre à la culture de l’autonomie, par la compensation : on passe du savoir-faire au savoir-être. Intervient là la dimension humaine. Le travailleur social pense et agit avec la personne. On passe d’une logique de charité, de stigmatisation à une logique de partenariat avec la personne.

La question de l’usager au centre est intéressante, également. L’usager est où ? Seul, sur son piédestal. La loi de 2005 ouvre à une conscientisation et une responsabilisation de tous les acteurs. En tant que personne handicapée, j’ai le droit de demander une compensation à hauteur de mes besoins, d’accéder à la citoyenneté, mais cela exige que je sois conscient de mes demandes, de mes capacités et de mes incapacités. Entre toute prestation de service, il y a des gouffres. Il faut être très responsable. Si on ne l’est pas, on devient un assisté autonome. Toute personne handicapée doit être aujourd’hui consciente des implications de ce qu’elle demande, de ce qu’elle veut et de ce qu’elle peut.

Un bon professionnel est capable de reconnaître ses limites. L’accompagnement repose sur la capacité à se regarder en face, qui sont les raisons de faire ce boulot. On accompagne pour être accompagné, on soigne pour se soigner. On le fait pour qu’il y ait un retour. Plus on est amoindri, par la maladie, plus on est vigilant, ce qui est un phénomène de survie, et le meilleur moyen de se protéger de l’autre.

Il n’y a rien à cacher, pas de non-dits. Derrière les mots, il y a la maltraitance passive. Les exigences humaines sont énormes dans les métiers de l’accompagnement.

Les écoles d’auxiliaire de vie sociale, d’aides médico-psychologiques sont un ramassis d’handicapés sociaux : l’Etat est complice de maltraitance. On demande aux professionnels d’être de plus en plus pointus, avec notamment la délégation des gestes de soins, pour l’autonomie, la sécurité, le confort de la personne accompagnée. Les travailleurs sociaux sont mal payés. La plupart des institutions sont des mouroirs et la moitié des professionnels sont à mettre dehors.

La loi de 2005 donne naissance à plusieurs questions centrales : quelle est la place de la personne handicapée dans la société, quelle est sa valeur ? D’où l’importance de la complémentarité entre la personne handicapée et le travailleur social.

Quelle est la formation de vos accompagnateurs ?
Ils sont aides médico-psychologiques, aides-soignants, ou non professionnels de l’accompagnement. Les formations ne sont pas adaptées à la réalité : trop techniques et pas assez humanisées. Pour trouver le positionnement juste, il ne faut pas oublier l’enjeu de l’affectif, et la question de la distance professionnelle dans le cadre de la relation à l’autre. Il faut responsabiliser au maximum la personne accompagnée, et penser à la génération perdue des personnes handicapées qui sortent de 20 ou 30 ans de taule.

Vous abordez la question de la sexualité dans un de vos ouvrages. Qu’en est-il ?
Nous travaillons sur un accompagnement sexué pour le premier semestre 2010. Cela a commencé par la création du collectif handicap et sexualité en 2007, et sa présentation au Sénat en 2008. Ce collectif est composé de l’APF, Handicap International, l’AMF et la CHA (coordination handicap et autonomie, fondée par Marcel Nuss en 2002). Pour le moment, l’accompagnement sexué est axé sur le handicap physique. Nous verrons plus tard pour d’autres types de handicap. Le problème en France est d’ordre juridique : la prostitution est permise, mais le proxénétisme est interdit. La difficulté est de ne pas ouvrir la porte à la légalisation de la prostitution (ce que craint l’Association du Nid). Il y a un travail en partenariat avec l’école suisse SEPH.
C’est qui un accompagnant sexuel ? D’anciennes prostituées qui reçoivent une formation, ou d’anciens professionnels du médico-social : psychologues, infirmières, kinésithérapeute, accompagnants à la vie quotidienne, éducateurs spécialisés. La sélection est drastique, avec 80% de refus.
Il y a une différence énorme entre la prostitution et l’accompagnement sexuel. On parle d’ailleurs d’accompagnement à la vie affective et sexuelle. Les séances durent environ une heure et demie pour aider la personne à se réincarner, se réapproprier son corps, à se réhumaniser. Cela passe par des massages, ce qui est une mise en condition par rapport à la confiance. Cela peut terminer par une masturbation. Mais on ne dépasse pas la préconisation de la masturbation dans le cadre législatif. “Un bon accompagnement sexuel ne peut être efficace que si les deux personnes ont du plaisir.” La charité, c’est dégradant. Il faut également éviter la confusion des rôles, entre éducateur spécialisé et accompagnant sexuel.

Publié dans Handicap

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