Le matérialisme (15)
Exercice 15. Ecrire le monologue d'une personne enfermée dans une pièce comportant : une porte fermée à clef, une porte entrebaîllée sur un espace noir, une fenêtre ouverte sur l'extérieur, un miroir et un tableau. Eléments : générateurs potentiels. Fiction. Phrase d'amorce : PAR OU ALLEZ-VOUS COMMENCER ?
Je suis allongée sur le sol. J'ai mal partout. J'ai l'impression que ces brutes se sont acharnées sur chaque muscvle, chaque articulation pour les faire exister dans la douleur. J'ouvre les yeux, mon visage se crispant dans une grimace de souffrance. J'essaie de bouger sans réveiller une tension qui se ferait silencieuse. Mes yeux s'habituent à l'obscurité, je ne sais plus où je suis. Mes souvenirs sont vagues, mon sang doit charrier une drogue du sommeil et je suis vaseuse. Tâtonnant le mur, juste éclairée par la lumière de la sortie de secours, ma main rencontre une porte. J'essaie de faire jouer la poignée. Rien. La porte est fermée à clef. Avec un sursaut de panique, et force halètements, je cherche une issue. Sortir, absolument. Je touche le mur, le frappe de toutes mes forces. Mon poing rencontre une autre matière : du bois. Une porte entrebaîllée qui s'est ouverte. Elle ouvre sur un espace plus noir qu'un four. Je chantonne pour me rassurer. Ma voix se répercute sur les parois du couloir que je viens de découvrir. Il ne me dit rien du tout. Juste une forte impression de danger. Par précaution, je referme la porte. Je ne voudrais qu'ils m'entendent et qu'ils arrivent. Je veux juste partir. Mes souvenirs reviennent par vague. Je suis terrorisée. J'ai froid, un courant d'air me fait frissonner. Un courant d'air ? Une fenêtre ! Je me précipite vers elle. Elle ouvre sur le dehors. Mais il fait nuit. Je ne vois rien et cette stupide veilleuse n'éclaire qu'avec parcimonie. Un vertige subi me fait tourner la tête. Je m'éloigne de la fenêtre. Je tourne dans cette pièce comme un animal affolé. Pour me calmer, je m'assieds et me concentre. Je plisse les yeux pour discerner ce qu'il peut y avoir dans cette pièce. Là, un reflet ! Une autre fenêtre ? Je m'approche. Non, pire. Un miroir. Je ne me suis pas regardée depuis des semaines. A la faible lueur de la veilleuse, je m'examine. Et ne me reconnais pas. Pâle, les cernes bleues, sale et efflanquée. Avec sur le visage cette impression de panique et de dureté mêlées. Ca n'est pas moi. Ou je ne suis plus celle que j'étais. Je m'éloigne de l'étrangère. Là, sur cet autre mur, un autre reflet. C'est un tableau. Je reconnais l'homme représenté. C'est à cause de lui que je suis là. Un sursaut de fureur me prend, je me précipite vers le miroir, l'arrache au mur et le fais voler en éclats. Je ramasse un de ses morceaux. Il fera un bon poignard. Je m'entaille la main mais la peur et l'excitation me font oublier ce sang qui coule encore. Je distribue de généreux coups de poignard au tableau, lacère ce visage haï par moi et adulé par d'autres. J'efface dans la destruction des années de peur. Soudain, un bruit de bottes frappant le sol me fait revenir à la réalité. Me détournant du tableau, je serre entre mes doigts le poignard. Ils sont là.